À l'intention des organes d'information • Document non officiel.
UNIS/CP/836
18 avril 2015
Treizième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale,
13e séance plénière - matin
COUVERTURE DES RÉUNIONS
DOHA, QATAR, 18 avril - Qu'il s'agisse des comités allemands de prévention, des agents de probation bénévoles japonais ou des unités policières de pacification brésiliennes, les délégations ont raconté leurs succès dans la participation citoyenne au maintien de l'ordre, thème de la discussion qu'a tenue aujourd'hui, à Doha, le treizième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale. Les dangers de la mise à l'écart du public ont été reconnus par le représentant des États-Unis qui a détaillé les enseignements tirés des évènements de Ferguson, du Missouri et de New York. Son homologue de la Norvège a parlé d'un nouveau programme de la police sur Internet pour contrer l'extrémisme violent chez les jeunes.
Pourquoi encourager la participation du public pour renforcer la prévention du crime et la justice pénale? Les approches * en ce sens reposent sur l'idée qu'afin de prévenir et de combattre efficacement la criminalité, il est nécessaire de comprendre les difficultés, au niveau des communautés, ainsi que les causes et facteurs qui sous-tendent la criminalité; de fonder les politiques sur les connaissances acquises grâce aux données telles que les enquêtes de victimisation, les audits locaux de sécurité et les études de délinquance autodéclarée; et de consulter les populations sur leur perception des problèmes de criminalité et du système judiciaire.
Aujourd'hui, la participation citoyenne à la prévention du crime et à la justice pénale est effective dans la plupart des pays: les forces de police communiquent mieux avec les citoyens grâce aux médias sociaux. Les communautés sont sollicitées pour la réintégration sociale des anciens criminels. Les associations de conseil, d'assistance et de représentation juridiques ne se comptent plus ni celles des victimes qui contribuent à élaborer les bonnes réponses, à renforcer la résilience de leur communauté et à encourager la réconciliation. La participation du public n'est pas seulement nécessaire à un système de justice inclusif mais aussi et surtout à une culture respectueuse de l'état de droit, a commenté la représentante de la Thaïlande.
Du danger de frustrer le public. L'année dernière, a reconnu le représentant des États-Unis, les évènements de Ferguson, du Missouri et de New York ont mis à jour la grande frustration de certaines communautés, en particulier les « communautés de couleur », face à une police qui apparaissait comme hostile. En conséquence, le Président Obama a créé un groupe de travail, composé de policiers, de leaders des communautés, de jeunes adultes et d'universitaires, qui a mené des auditions dans l'ensemble du pays avec un éventail le plus large possible de témoins représentatifs de toutes les couches de la société.
Au bout de 90 jours, le groupe de travail a remis 63 recommandations visant le rétablissement de la confiance des communautés envers la police; l'amélioration des mesures de contrôle, l'utilisation des médias sociaux; et l'amélioration de la formation et de l'éducation des officiers de police. Les États-Unis l'ont appris: la police de proximité est un modèle éprouvé qui aide les agences de maintien de l'ordre à passer des fonctions basiques de réaction au crime à une fonction plus proactive permettant de gagner la confiance des communautés, de multiplier les échanges d'informations et de prévenir le crime avant qu'il n'arrive.
En Allemagne, a expliqué son représentant, ce sont en effet les « comités municipaux de prévention » qui connaissent un véritable succès populaire. Plus de 2 000 d'entre eux ont été créés au cours de ces deux dernières décennies, dans les villes et villages, regroupant plusieurs disciplines et spécialisations dans tous les aspects de la prévention du crime, et bénéficiant d'une armée de bénévoles. Le représentant de la Libye a appelé à la prudence. Il faut mieux protéger les bénévoles, a-t-il estimé, contre les représailles de ceux qu'ils ont dénoncés et contre leurs avocats qui peuvent toujours arguer que le « bénévolat » n'est pas repris dans le code pénal. L' Allemagne, a poursuivi son représentant, a en outre une longue tradition d'engagement civique comme l'illustre l'apparition, il y a deux 200 ans, des premières associations d'assistance aux détenus, contrairement aux associations d'aide aux victimes, relativement jeunes, mais qui néanmoins connaissent un réel succès. Le « Weisser Ring », par exemple, compte 3 000 volontaires dans 400 bureaux qui s'occupent des victimes grâce à des dialogues personnalisés.
La représentante de la Thaïlande a parlé des centres de justice communautaires, avant que son homologue du Japon ne s'attarde sur les 50 000 agents de probation bénévoles dont la création remonte au XIXe siècle et qui dépendent, depuis une loi votée dans les années 50, du Ministère de la justice, avec pour mission d'appuyer et de superviser la réintégration des délinquants. Ces agents ont le mérite de connaître les spécificités locales et de pouvoir avoir une interaction personnelle avec les délinquants, pendant et après la probation. À eux seuls, ils illustrent la culture de la légalité et contribuent à créer une société sans criminalité.
En juillet 2014, l'Institut asiatique pour la prévention du crime et le traitement des délinquants (UNAFEI) et l'Association japonaise d'aide à la réinsertion ont organisé la première réunion internationale sur les agents de probation bénévoles. En février dernier, a été organisé un Séminaire sur la promotion du traitement communautaire des délinquants dans la région de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN). En outre, le Japon organisera en 2017 à Tokyo, le troisième Congrès mondial sur la probation, après le deuxième Congrès sur les systèmes correctionnels communautaires qui se tiendra cette année à Los Angeles. En Chine, quelque 2,7 millions d'anciens délinquants ont bénéficié de ce type de systèmes, a indiqué le représentant chinois.
Son homologue du Brésil a parlé des unités policières de pacification à Rio de Janeiro qui ont contribué à la chute « spectaculaire » du taux d'homicides. Le but était de rétablir dans les favelas une présence permanente des services de sécurité et d'améliorer les relations entre la police et les populations locales. Ces unités ont réussi à s'implanter dans des zones auparavant contrôlées par des groupes armés violents, ce qui a permis de faire reculer les conflits entre groupes de trafiquants de drogues. Les exemples brésiliens comme Pro-Paz-Para ou AfroReggae Group montrent combien il est important d'adapter les processus à l'environnement dans lesquels ils vont être lancés puisqu'il n'y a pas de solution unique et que chaque pays doit identifier la meilleure réponse à ses défis spécifiques, a souligné le représentant brésilien.
Plusieurs délégations ont donné des exemples d'exploitation des médias sociaux dans les liens entre police et population . Le représentant de la Norvège a parlé de la lutte contre la radicalisation des jeunes et l'extrémisme violent. Nombreux en effet sont les jeunes norvégiens à être partis rejoindre des groupes armés dans des conflits bien éloignés des frontières nationales, « après un processus de radicalisation », et à une époque où l'Internet fonctionne comme une arène de promotion des idéologies extrémistes et des discours de haine, et une institution de radicalisation et de recrutement. Le Gouvernement a donc décidé de combattre ces fléaux avec les mêmes principes de base de la prévention du crime, et de renforcer la présence de la police sur l'Internet.
L'idée est de permettre à la police de s'introduire « ouvertement » sur les sites de propagande, de participer aux discussions et le cas échéant, d'en informer les autres services de police. Un autre projet est lancé en ce moment pour prévenir la rhétorique de haine et les attitudes discriminatoires et non démocratiques sur l'Internet. Il sera étroitement lié à la campagne nationale « Stop hate speech on the Internet » et à celle du Conseil de l'Europe « No Hate Speech ». Contre la radicalisation, la France a, par exemple, établi une ligne téléphonique disponible 24 heures sur 24, a indiqué son représentant.
La représentante de la Thaïlande a donné l'exemple du Bureau thaïlandais des affaires juridiques qui a créé sur « Youtube », une plateforme qui ne diffuse pas seulement des informations et des nouvelles sur des affaires judiciaires mais aussi des courts métrages et des documentaires « simples » sur l'état de droit et la justice. La chaîne a même organisé un concours de courts métrages l'année dernière. Le représentant du Canada a parlé de « Amber alerts » pour les enfants disparus et des programmes « Crime Stopper ». Le pays a aussi lancé plusieurs projets pilotes pour voir comment les nouvelles technologies, y compris les médias sociaux, peuvent être utilisées pour renforcer ou transformer le travail de la police. Les médias sociaux, a dit le représentant, peuvent fournir aux citoyens plus d'informations sur le système judiciaire et sur la manière dont il opère, en particulier dans un monde où de plus en plus d'inculpés n'ont pas les moyens de s'offrir un avocat. Le Canada n'a pas oublié le danger du harcèlement sur Internet qui a provoqué quelques suicides. Une loi sur la « Protection des Canadiens contre la criminalité en ligne » vient d'être adoptée pour aider la police à mieux protéger les jeunes. Grâce au foisonnement des informations disponibles, l'Internet a contribué à la lutte contre la traite des femmes et des enfants en Chine, a indiqué son représentant
S'agissant de l' implication des victimes dans la prévention du crime, le représentant du Canada a indiqué que son pays a débloqué depuis 2006, plus de 140 millions de dollars pour les aider à faire entendre leurs voix sur la manière d'améliorer les systèmes judiciaire et correctionnel. Une proposition de loi dont est saisi le Parlement depuis avril 2014 consacrerait, pour la première fois, les droits des victimes au niveau fédéral. Le pays organise déjà, tous les ans, la Semaine nationale des victimes de la criminalité pour sensibiliser l'opinion publique aux services, programmes et lois mis en place en faveur de ces victimes et de leurs familles.
Les délégations de l' Algérie, de l' Indonésie, du Venezuela, d' El Salvador, du Soudan, du Mexique et du Qatar ont aussi parlé de leurs efforts nationaux. L'Office des Nations Unies contre le crime et la drogue (ONUDC) estime que l'élaboration de principes directeurs sur la participation du public au renforcement des mesures de prévention du crime et de justice pénale aiderait les États et les autres acteurs du domaine. Ces principes pourraient concerner non seulement les méthodes et les approches à suivre pour faire davantage intervenir le public, mais aussi les garanties que les États doivent mettre en place afin de le protéger, considérant que l'État est responsable en dernier ressort de la sécurité et de la sûreté de tous ses citoyens.
Le treizième Congrès des Nations Unies, qui avait commencé ses travaux le 12 avril dernier, fermera ses portes demain, dimanche 19 avril, par des déclarations du Premier Ministre du Qatar et du Directeur exécutif d'ONUDC.
*A/CONF.222/9